Tour de France de l’urbanisme : le Pas-de-Calais

Bienvenue dans le Pas-de-Calais

Dans le Tour de Gaule d’Astérix des excellents Goscinny et Uderzo, les deux guerriers gaulois défiaient les romains en réalisant un tour de Gaule à leur insu. Pour preuve de la réussite de leur entreprise, ils ramenèrent des spécialités culinaires de Paris, Metz, Nice ou encore Bordeaux. Nous vous proposons un périple assurément moins appétissant, au menu pas de salade niçoise, de bouillabaisse marseillaise ou de champagne et, volontairement moins comique. Il n’empêche que notre pays est riche de paysages, de culture et d’histoire, suffisamment pour y trouver matière à écrire une série d’articles pour partir à la découverte de ses richesses et des protections qui y sont attachées. Embarquez avec nous dans un Tour de France de l’urbanisme en commençant par le Pas-de-Calais.

L’excellence française

En ce jour du 6 mai 1994, Coquelles, une petite ville du Pas-de-Calais, ne fait pas mentir la réputation qui colle à la Province du Nord : la pluie est une bonne compagne. C’est pourtant là-bas que les chefs d’Etat français et anglais se retrouvent pour inaugurer le Tunnel sous la Manche, le plus grand passage sous-marin du monde. Cela ne pouvait être que là-bas qu’une telle prouesse pouvait voir le jour. Au-delà de l’évidente contrainte géographique, le Pas-de-Calais (tout comme le Nord en général) est la terre historique de l’industrie française. Par ce tunnel, la France, nation d’ingénieur par excellence, prouve que lorsque le défi est de taille, elle ne manque ni de ressources ni de savoir-faire.

Le Tunnel sous la Manche, c’est une prouesse de la coopération entre deux pays : pendant 8 ans, non-stop (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24), l’ouvrage mobilise d’innombrables ingénieurs, techniciens et ouvriers. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui feront la une lors de la jonction de la partie anglaise à la partie française. C’est également une prouesse technique : 11 foreuses créées sur mesure. Ce sont enfin des chiffres démentiels : 3 tunnels longs de 50 km chacun, une part sous-marine sur presque 38 km et une profondeur allant jusqu’à 75 mètres.

Schéma du Tunnel sous la manche. Crédits : Getlink.

Protections afférentes

Le terminal de Coquelle est un très vaste complexe de transport (plus de 650 hectares), équivalent à un aéroport international. Face à l’ampleur du projet, plusieurs outils du droit de l’urbanisme ont été mobilisés. Pour preuve, le PLU de la ville Coquelles en recèle : des servitudes d’utilité publique pour protéger les innombrables lignes Haute-Tension nécessaires à l’alimentation du terminal, une réglementation spécifique dans le règlement du PLU, le Règlement Local de Publicité (RPL), etc.

Arrêtons-nous un instant sur la partie la plus remarquable. En marge de la construction du Tunnel sous la Manche, Eurotunnel (Getlink à présent) s’est vu confié une mission d’aménagement. L’État français a en effet mis à disposition d’importantes réserves foncières pour que l’aménageur construise, à proximité du terminal, un important complexe immobilier mêlant activités tertiaires, centres commerciaux, culturels, etc. À l’heure actuelle, l’aménagement est encore en cours. Un projet aussi long et important a été rendu possible par l’utilisation de la Zone d’Aménagement Concertée (ZAC).

En voici les principaux avantages :

« Elle permet une grande maîtrise de l’opération d’aménagement, depuis la définition de l’opération (lors de la création de la ZAC) jusqu’à la vente des terrains à construire et la délivrance des autorisations d’urbanisme (par l’intermédiaire du cahier des charges de cession de terrain, notamment si celui-ci est ensuite approuvé et publié et, donc, rendu opposable aux demandes d’autorisations) en passant par la définition du programme des constructions et de leur localisation, du programme des équipements publics, ainsi que du mode de financement de ces derniers. Cette maîtrise pouvant être en outre accrue au travers des prescriptions que peut comporter le plan local d’urbanisme (localisation des équipements et espaces publics, surface de plancher constructible par îlot, règles d’implantation et de gabarit des constructions…).

Elle est particulièrement adaptée aux situations foncières complexes puisque, d’une part, l’aménageur peut recourir à l’expropriation et à la préemption et, d’autre part, les divisions foncières effectuées par l’aménageur au sein de la ZAC échappent au régime du lotissement.

Elle est de même adaptée aux opérations d’aménagement ou de renouvellement de grande envergure à réaliser par tranches ou tout du moins sur une longue période.

Elle permet de financer les équipements publics par un mécanisme alternatif à la taxe d’aménagement »[1].

Les dunes du Pas-de-Calais

Terre de contraste, le Pas-de-Calais est également le berceau de la Côte d’Opale. Le site regorge de trésors naturels, de la forêt d’Ecault au cap Blanc-Nez, en passant par la réserve naturelle de la Baie de Canches. C’est aussi la terre des dunes, innombrables amas de sables qui recouvrent des parties entières du littoral du Nord de la France.

Ces dunes forment avant tout un paysage unique mais également très esthétique, lorsque ces dunes sont surmontées de cabanes de mer, dont le blanc immaculé d’origine laisse vite place à des couleurs plus sombres et parsemées d’oyats. Ces graminées des plages qui ont également l’avantage de fixer et stabiliser les dunes par leurs racines. Ce sont également des lieux riches en ressources naturelles. En s’y baladant, on pourra tomber aussi bien sur une pensée des dunes que sur une des nombreuses espèces d’amphibiens endémiques. 

Protections afférentes

Pour protéger ce patrimoine naturel, le législateur a mis en place une législation spécifique au Pas-de-Calais et ce, dans l’objectif simple de protéger les dunes. Pour une protection maximale, il a choisi d’utiliser le mécanisme de la servitude d’utilité publique, c’est-à-dire une contrainte qui s’impose aussi bien aux documents d’urbanisme locaux qu’aux différentes occupations du sol.

La servitude d’utilité publique s’applique à toutes les dunes du Pas-de-Calais. Elle interdit strictement :

– toute fouille dans les dunes de mer en dehors des espaces urbanisés (comme l’entend la loi Littoral) et ce, jusqu’à la distance de 200 mètres de la laisse de haute mer, c’est-à-dire ce qui reste sur les côtes, abandonné par les flots et composé de débris naturels comme des coquillages, des algues, etc.

– la coupe ou l’arrachage de n’importe quelle herbe, plante ou broussaille sur les digues et dunes de mer.

C’est ainsi que notre étape dans le Pas-de-Calais se termine, rendez-vous le mois prochain pour la suite de notre Tour de France de l’urbanisme.


[1] http://outil2amenagement.cerema.fr/IMG/pdf/fiche_zac_v2_cle72b26b.pdf


Publié par Vincent Bicini pour Preventimmo
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Vincent Bicini


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