Les droits de priorité sur les terrains boisés

Droit de préférence

La richesse du territoire français est immense mais également variée. Parmi ces ressources, le massif forestier de notre pays est le troisième d’Europe et recouvre près de 30% du territoire national. Quoique riche, il n’en est pas moins sous-exploité et ce constat a été fait par les pouvoirs publics depuis longtemps. La raison première est l’important morcellement lui-même le fruit d’une évolution logique : la forêt française est très majoritairement privée et dans les mains de millions de propriétaires. Pour contrer cela, l’Etat souhaite encourager un grand mouvement de remembrement afin de regrouper les propriétés. La technique est ancienne, c’est celle qui fût utilisée pour adapter les paysages français (en les enlaidissant) à la mécanisation importante d’après-guerre.

C’est au moment des débats sur la loi de modernisation de l’agriculture de 2010[1] que fut ajouté un amendement instaurant un droit de préférence des « voisins », destiné aux propriétaires eux-mêmes détenteurs d’une propriété boisée. Une première marche suivie d’une seconde quatre ans plus tard quand une nouvelle loi agricole[2] précisa le dispositif en vigueur et le compléta. À l’heure actuelle, ces droits de priorité s’appliquent aux terrains présentant certaines spécificités (boisés et d’une superficie inférieure à 4 hectares) et prennent une forme simple : deux types de droit de préférence et deux types de droit de préemption.

Les droits de préemption

La prérogative de l’Etat

En cas de vente d’une propriété classée au cadastre en nature de « bois et forêts » et d’une superficie totale inférieure à quatre hectares, l’État dispose d’un droit de préemption si une forêt domaniale (qui appartient à l’État) jouxte la parcelle en vente. Il revient à l’officier public en charge de la vente d’informer le représentant de l’Etat dans le département. Ce droit de préemption est purgé si l’Etat ne se manifeste pas dans un délai de trois mois.

Si l’État décide d’exercer ce droit de préemption alors les autres droits de priorité s’effacent (notamment le droit de préemption de la commune).

La prérogative de la commune

Dans les cas mentionnés ci-dessus et sans limitation de superficie, lorsque le vendeur est une personne publique dont les bois et forêts relèvent du régime forestier, la commune sur laquelle se trouve la propriété en vente et qui possède une parcelle boisée contiguë (si un document de gestion est associé) bénéficie d’un droit de préemption. Le vendeur doit notifier au maire le prix et les conditions de la vente. Ce droit de préemption est purgé si la commune ne se manifeste pas dans le délai de deux mois. Ce droit de préemption au bénéfice la commune s’efface derrière celui de l’Etat mais supplante les différents droits de préférence.

Les droits de préférence

Il existe deux droits de préférence en vigueur et ceux-ci entrent en concurrence, il n’existe pas de hiérarchie entre eux. Autre précision utile, ces droits s’effacent derrière les droits de préemption précités mais également derrière le droit de préemption dont dispose la SAFER.

Au bénéfice des voisins

C’est le droit de préférence d’origine. Dans le cas d’une vente d’une propriété classée au cadastre en nature de « bois et forêts » et d’une superficie totale inférieure à 4 hectares, les propriétaires d’une parcelle boisée contiguë bénéficient d’un droit de préférence. Dans le cadre de cette contrainte, le vendeur est tenu de notifier sa vente aux propriétaires des parcelles boisées contiguës. Lorsque le nombre de notifications est égal ou supérieur à dix, le vendeur peut rendre publics le prix et les conditions de la cession notamment par voie d’affichage en mairie durant un mois.

Les propriétaires voisins disposent d’un délai de deux mois à compter de la date d’affichage en mairie ou à compter de la notification pour faire connaître au vendeur qu’ils exercent leurs droit de préférence aux prix et conditions indiqués par le vendeur. Lorsque plusieurs propriétaires de parcelles contiguës exercent leur droit de préférence, le vendeur choisit librement celui auquel il souhaite céder son bien.

Au bénéfice de la commune

Sur le même principe que celui réservé aux voisins, la commune bénéficie d’un droit de préférence. Là encore le vendeur est tenu de notifier au maire le prix et les conditions de la vente projetée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le maire dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification pour faire connaître au vendeur qu’il entend exercer le droit de préférence de la commune au prix et aux conditions indiqués.

La commune entre en concurrence avec les propriétaires voisins s’il y’en a, et le vendeur choisit librement à qui céder son bien. Toute vente opérée en violation du droit de préférence de la commune est nulle et l’action en nullité se prescrit par cinq ans.

Les différents cas abordés dans cette page sont des confettis des droits de priorité. Ils se présentent rarement mais ne sont pas pour autant inhabituels notamment sur certaines parties de notre pays. La rareté n’indique rien non plus de la complexité de mise en œuvre d’un tel droit. Si la connaissance de la superficie totale d’une parcelle en vente n’est pas une tâche ardue, connaître sa nature cadastrale nécessite des démarches supplémentaires. Et ce n’est que le premier pas car le second consiste à connaître la nature des biens voisins, y compris dans leur nature cadastrale. S’ajoute à cela la superposition des bénéficiaires. Heureusement les règles posées en la matière par le Code forestier sont claires et les nombreuses exceptions au droit de préférence listées à l’article L.333-21 du code forestier[3].


[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000022521587/

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000029573022/

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029595917


Publié par Vincent Bicini pour Preventimmo
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Vincent Bicini


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