Monuments historiques, canalisations, risques naturels : à côté des servitudes d’utilité publique historiques de nouvelles contraintes
Si l’on demandait au non-initié une contrainte urbanistique fondamentale, nul doute qu’à son esprit viendrait rapidement les servitudes d’utilité publique (SUP). Si la terminologie lui échapperait, il concevrait sans peine les contraintes, même vagues, qu’elles engendrent. Le cortège immense des canalisations de gaz, monuments historiques, lignes à haute tension, constitue la base juridique d’une limite au droit de propriété. Ce sont autant de contraintes qui peuvent entraver un projet de construction si minime fût-il (une piscine). L’utilité de les identifier n’est plus à démontrer, d’autant plus que de « nouvelles » servitudes ont vu le jour ces dernières années.
Des catégories de servitudes limitées
Si l’on en trouve de toutes les sortes, ces servitudes doivent pourtant entrer dans des catégories précisées dans le Code de l’urbanisme. Il en existe quatre :
- La conservation du patrimoine ;
- l’utilisation de certaines ressources et équipements ;
- la Défense nationale ;
- la salubrité et la sécurité publique.
Dans la première, on trouvera à côté des protections du patrimoine naturel (réserves nationales, zone agricoles protégées…), les protections du patrimoine culturel (monument historique…) et les servitudes attachées à la protection du patrimoine sportif. La seconde catégorie regroupe les servitudes liées aux canalisations de transport de gaz, hydrocarbures, produits chimiques, ou encore, celles relatives aux canalisations d’eau ou aux lignes électriques. La troisième catégorie rassemble les servitudes liées à la Défense nationale (protection des installations de défense, abords des champs de tire, etc.). L’ultime catégorie regroupe, à côté des protections relatives aux cimetière, l’imposant bataillon des risques : risques naturels, risques technologiques, etc.
Des contraintes fortes
L’article fondamental est l’article L 421-6[1] du Code de l’urbanisme : « le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords et s’ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d’utilité publique ».
Ce qui signifie, entre autres, que les servitudes d’utilité publique prévalent sur la réglementation d’urbanisme et au besoin, l’efface. Normalement les documents d’urbanisme doivent tenir compte de ces servitudes au moment de leur élaboration (révisions, modification) mais si ce n’est pas le cas, et c’est assez régulier, les servitudes s’imposent aux permis de construire. Une zone rouge d’un Plan de Prévention des Risques inondation peut effacer la réglementation inadéquate d’un PLU.
Les risques encourus sont nombreux mais diffèrent selon les cas. En cas de construction sans permis ou en ignorance des obligations du permis, une action en responsabilité civile (article 1240 du Code civil) peut être introduite et le juge civil peut statuer sans intervention du juge administratif. En cas de construction conforme à un permis de construire, l’action en responsabilité civile pour méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique est possible. Si cela doit aller jusqu’à la démolition de la construction, il faudra au préalable que le juge administratif annule le permis, le juge civil pourra prononcer la démolition si le bien est situé dans un des secteurs mentionnés à l’article L 480-13 du code de l’urbanisme[2] : abords d’un monument historique, parc national, bande littorale des 100 mètres, etc. Ces secteurs ne sont plus de mises notamment si le tribunal est saisi par le préfet ou encore, si la sécurité des personnes est en jeu[3].
De nouvelles SUP
Dans les SUP comme dans le reste, il y a celles qu’on ne peut plus qualifier de perdreau de l’année : canalisations de gaz, périmètres de protection installés autour des établissements de conchyliculture. Et puis, il y a les nouvelles. La qualification de « nouvelles » peut toutefois apparaître comme un abus de langage car certaines commencent à dater de quelques années déjà. Mais entre l’apparition d’une servitude et sa mise en place il s’écoule justement, quelques années.
Il en est ainsi pour les SUP instituées autour des canalisations de transport de matières dangereuses. C’est une obligation depuis 2012 pour les nouvelles canalisations ; fin 2019 les canalisations existantes devaient être toutes concernées par ces servitudes. L’objectif de ces servitudes est de contrôler l’urbanisation autour de ces canalisations afin de protéger les riverains des dommages éventuels : endommagement, rupture, explosion, etc.
Les SUP de tréfonds prolifèrent avec le Grand Paris. Elles donnent la possibilité au maître d’ouvrage d’une infrastructure souterraine de transport public ferroviaire déclarée d’utilité publique, de demander au préfet d’établir une servitude d’utilité publique en tréfonds (15 m au-dessous du point le plus bas du terrain). Elles ont été instituées pour faciliter le chantier du Grand Paris Express et ses 200 km de lignes à construire dans des délais raisonnables. Sans elles, ce sont des milliers de parcelles qui auraient dû être acquises, avec les contraintes inhérentes à ce genre de projet, soit un projet qui aurait été retardé de plusieurs années.
Enfin, terminons cet inventaire incomplet avec les Plans de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (PVAP). La loi LCAP de 2016 avait rassemblé les Secteurs Sauvegardés, PSMV, Aires de Valorisation du Patrimoine (AVAP), etc. dans une grande catégorie : le Site Patrimonial Remarquable. Il y avait un astérisque dans cette loi. Le rassemblement des divers périmètres valaient pour le passé mais pas le futur, la loi avait prévu à côté des SPR (type PSMV), la possibilité de créer des périmètres plus faciles à mettre en œuvre : les fameux PVAP. Depuis quelques mois, ces Plans commencent à être approuvés et sont bien distincts des Sites Patrimoniaux Remarquables.
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032861134/
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041411186/
[3] https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/troisieme_chambre_civile_572/68_16_44248.html