Les SAFER : ce qu’elles peuvent préempter

Partie 1 : les biens soumis au droit de préemption de la SAFER

Les Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (SAFER) sont le fruit d’une volonté politique des années 1960, d’aider à l’installation des agriculteurs. Elles prennent actuellement la forme de sociétés anonymes, sans but lucratif, qui exercent des missions d’intérêt général et qui sont placées sous la tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances[1].

Pour mettre en œuvre leurs missions, les SAFER disposent de plusieurs moyens d’actions. Parmi ceux-ci, le plus connu car souvent redouté est le droit de préemption [2]. Le principe de la préemption est simple : lorsqu’un propriétaire (personne physique ou morale) souhaite céder ses biens immobiliers, la SAFER doit en être informée par le cédant, en pratique par son notaire. A défaut d’information, il existe des sanctions pouvant aller jusqu’à l’annulation de la vente. La préemption s’exerce dans un cadre légal, avec une motivation précise et, requiert l’accord des Commissaires du Gouvernement siégeant au Conseil d’Administration de toute SAFER.

Les biens susceptibles d’être préemptés

La liste des biens pouvant être préemptés par les SAFER est longue. Il y a tout d’abord les biens immobiliers, c’est-à-dire les biens ne pouvant être déplacés (terrains, maisons, etc.). Parmi ceux-ci l’on retrouve :

  • Les immeubles non-bâtis, qu’ils soient à usage agricole ou simplement à vocation agricole (par exemple un terrain situé dans une zone agricole d’un PLU mais ne supportant aucune activité agricole au moment de la transaction) ;
  • Les bâtiments situés sur une exploitation agricole : cela concerne aussi bien les bâtiments d’exploitation que les bâtiments d’habitation.

Le domaine du droit de préemption s’étend également aux biens mobiliers. Il est entendu par ce terme aussi bien les meubles nécessaires à l’exploitation du fonds immobilier (comme des serres horticoles) que les effets mobiliers attachés au fonds à perpétuelle demeure[3].

Les principaux encadrements au droit de préemption

Il en existe plusieurs et de genres différents. Tout d’abord, pour pouvoir préempter, chaque SAFER doit s’être vu confier par le gouvernement une habilitation. Celle-ci prend la forme d’un décret, qui précise les conditions de préemption. Ainsi, la Guyane dispose depuis peu de temps d’une SAFER mais son habilitation à préempter est toujours en cours d’instruction par les services de l’Etat.

Ensuite, ce décret dessine les contours du champ géographique du droit de préemption. La SAFER ne peut pas préempter partout. En pratique pourtant, les décrets ne délimitent plus, comme ils le faisaient auparavant, des zones spécialement dédiées à la préemption. La plupart laissent le champ libre aux SAFER sur ce point, à condition bien sûr que les conditions légales de la préemption soient respectées (biens immobiliers, agricoles, etc.).

Enfin, le décret délimite très régulièrement des superficies minimales de préemption, en-deçà desquelles elle n’est pas possible. Cela concerne uniquement les terrains et la pratique varie beaucoup selon les SAFER. Le décret peut également moduler ces minima selon la zone.

Ex : la SAFER PACA peut préempter des terrains ayant une utilisation agricole et situés en zone urbaine, si ceux-ci font plus de 25 ares (2 500 m²). Ce seuil est ramené à zéro pour les terrains situés en zone agricole d’un PLU.

Ex : la SAFER Bourgogne – Franche-Comté peut préempter des terrains si ceux-ci font plus de 25 ares. Si ces terrains accueillent une activité viticole, le seuil tombe à 4 ares.

Enfin, pour certaines catégories de biens immobiliers, comme les terrains enclavés, la plupart des SAFER n’appliquent pas de seuil de superficie.

Les biens ne pouvant faire l’objet de droit de préemption

Il existe plusieurs catégories de biens qui, par leur nature ou leur vocation, échappent au droit de préemption de la SAFER[4].

Les terrains non-agricoles

Certains terrains sont expressément exclus du droit de préemption par le Code rural. Il en va ainsi pour :

  • Les terrains destinés à la construction de maisons individuelles ou d’immeubles collectifs ;
  • Les terrains destinés aux aménagements industriels comme la construction d’entrepôts commerciaux ;
  • Les terrains destinés à l’extraction de substances minérales comme les carrières de charbon.

Les terrains protégés : les jardins familiaux

Les jardins familiaux ne sont pas définis expressément, en tout cas ils n’ont pas à voir avec les jardins d’agrément des lotissements pavillonnaires. Il s’agit plutôt de terrains supportant une production agricole domestique. La loi encadre strictement cette exception puisque des conditions de superficie et de zones sont exigées.

Parcelles boisées

Cette exception à la préemption n’est pas la plus évidente. La SAFER a parmi ses objectifs : « la mise en valeur et la protection de la forêt ainsi que l’amélioration des structures sylvicoles dans le cadre des conventions passées avec l’État ». Pour autant, elle ne peut pas préempter les parcelles boisées…

Le législateur a précisé ce qui devait être considéré comme une parcelle boisée. Pour faire un parallèle avec le droit de préemption et celui de préférence des espaces boisés, le critère retenu est celui de la réalité cadastrale. C’est ainsi que peuvent échapper à la préemption (sous réserve du respect d’autres critères), les parcelles qui sont classées en nature de bois et forêts au cadastre (B pour Bois, BS pour Taillis sous futaies, etc.).

Les biens pouvant être préemptés par la SAFER sont nombreux mais tous les actes sont-ils soumis à son droit de préemption ? C’est ce que nous vous proposerons de découvrir dans une partie 2.


[1] https://www.safer.fr/les-safer/quest-ce-quune-safer/

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042655873

[3] Benoît Grimonprez. Le droit de préemption de la SAFER. LexisNexis, pp.157, 2016.

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029594354


Publié par Vincent Bicini pour Preventimmo
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Vincent Bicini


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