DPE 2013 : chronologie d’une gestation compliquée

Diagnostic de performance énergetique DPE

Depuis l’annonce des 6 mesures pour améliorer le diagnostic de performance énergétique par Nathalie Kosciusko-Morizet en septembre 2011, la mise en place du nouveau DPE a accumulé retards et déconvenues. La route semble encore longue pour le futur DPE, dont la fiabilité a été épinglée à 2 reprises ces derniers mois par l’UFC Que Choisir et l’émission Capital sur M6.

Plus de transparence vis-à-vis des consommateurs, l’amélioration de la méthode de calcul, des logiciels approuvés par le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie , une base de données en ligne des DPE, des exigences accrues en terme de formation et de surveillance des diagnostiqueurs : tel était en substance le contenu du plan de fiabilisation du DPE dont la mise en application était initialement prévue au 1er janvier 2012.

Mais dans la pratique, le DPE nouveau se fait attendre : l’entrée en vigueur de la plupart des mesures a été reportée au 1er janvier 2013. Seul l’arrêté du 13 décembre 2011, portant sur la montée en compétence des opérateurs de diagnostic, est déjà applicable (à compter du 1er février 2012).  Pas étonnant qu’il existe encore de nombreux écarts entre les préconisations du plan de fiabilisation et les diagnostics sur le terrain. Des écarts que les médias ne manquent jamais de pointer.

Quand les médias s’acharnent sur le DPE

La fiabilité du DPE est une nouvelle fois mise en cause par l’UFC Que Choisir

En 2008 déjà, l’association de consommateurs attirait l’attention de l’opinion publique sur la qualité aléatoire des diagnostics et le manque d’indépendance des diagnostiqueurs et demandait un renforcement du cadre juridique entourant le DPE.

Le 18 septembre dernier, l’UFC publiait les premiers résultats de la réactualisation de son enquête sur le DPE et dressait un bilan toujours aussi catastrophique de ce diagnostic, utilisant les termes « loterie » ou « folklorique » pour le caractériser. Pour en arriver à une telle conclusion, l’association de consommateurs avait mandaté en juin 2012 plusieurs diagnostiqueurs pour établir le diagnostic de 5 maisons situées aux 4 coins de l’hexagone. Une enquête qui avait soulevé les anomalies suivantes :

  • deux biens classés dans 3 classes énergétiques différentes et une estimation de la facture énergétique allant du simple au triple ;
  • des recommandations inexistantes ou « farfelues ».

S’il est très difficile de contester la véracité de ces faits et de constater l’incompétence de certains professionnels, nombreux sont les acteurs qui dénoncent le timing de l’enquête et l’acharnement de l’association sur la profession.

Les fédérations de diagnostiqueurs contre-attaquent

Une « enquête décalée » pour la Fédération Interprofessionnelle du Diagnostic Immobilier (FIDI), « il faut attendre le changement des règles du jeu » pour la FNECI (Fédération du Diagnostic du Bâti), une « étude prématurée et sans fondement » pour la chambre des diagnostiqueurs FNAIM… Les fédérations ont toutes dégainé leur plume et ont publié des communiqués de presse pour répondre à cette nouvelle attaque de l’UFC.

Toutes attirent l’attention de l’UFC sur le fait que la mise en application du plan de fiabilisation du DPE ne pourra intervenir au meilleur des cas qu’à compter du 1er janvier 2013 et qu’il continue de faire l’objet de discussions entre pouvoirs publics et représentants professionnels.

Ne remettant jamais en cause l’existence des dérives constatées, la FIDI a à son tour pointé du doigt le retard pris dans la mise en application des grands axes du plan ainsi que la non-prise en compte par les pouvoirs publics d’un certain nombre de propositions allant dans le même sens que les critiques de l’UFC.

Deuxième fédération à s’exprimer, la FNECI botte également en touche, précisant que les retards sont principalement du fait de l’Etat, notamment sur la validation des logiciels et la finalisation de la base de DPE par l’ADEME.

Quant à la chambre des diagnostiqueurs FNAIM, elle a déclaré dans un communiqué du 09 octobre 2012 être au moins aussi impatiente que l’UFC de voir le nouveau dispositif rentrer en application. Elle explique au passage que « la transformation de cet outil de sensibilisation en un outil de mesure ne pouvait être réalisée sans développements conséquents (évolution des méthodes, modification des algorithmes, validation des logiciels, …) » et que « la seule disposition applicable depuis le 1er février 2012 est la réforme de la certification de compétence des techniciens.»

M6 dénonce le « juteux business » du diagnostic immobilier

Les journalistes de l’émission Capital sur M6 en remettent une couche le 14 octobre 2012 avec un reportage intitulé «Diagnostics immobiliers : les secrets d’un juteux business ». Le titre est plus qu’évocateur et les résultats de l’enquête sont édifiants :

  • des notes (encore) aléatoires : 3 notes différentes pour le même bien allant de C à E ;
  • d’importantes variations de prix : un tarif allant du simple au double ;
  • des différences importantes sur le temps de présence sur site ;
  • des diagnostiqueurs pas toujours impartiaux qui changent des notes sur demande.

Naturellement, la plupart des professionnels du secteur ont déploré ce genre de pratiques, tout en soulignant que toute généralisation est dangereuse. D’autant que la méthode d’investigation de Capital est elle aussi discutable : un reportage préparé depuis plusieurs mois par M6, dont les journalistes écumaient les forums spécialisés sur les diagnostics immobiliers pour trouver des personnes ayant rencontré des problèmes avec des diagnostiqueurs.

Le DPE nouveau est-il arrivé ?

Les pouvoirs publics se repenchent sur le DPE

A quelques semaines de la date butoir du 1er janvier 2013, les choses semblent s’être accélérées du côté  du gouvernement, qui semble remettre en question l’actuel plan de fiabilisation.

Delphine Batho, l’actuelle ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie s’exprimait début octobre 2012 sur le plan, estimant qu’il était « insuffisant » et qu’une nouvelle réforme pourrait être lancée en janvier 2013 pour aller au-delà du dispositif existant.

De nombreux députés de l’opposition l’ont interpellée par une même question,  faisant remarquer que « les dysfonctionnements relevés ne peuvent perdurer, s’agissant d’un diagnostic dont la portée s’élargit de plus en plus ». En l’absence de valeur juridique du DPE, ils proposent notamment de renforcer « la formation et la certification des professionnels ainsi que les contrôles et les sanctions en cas d’abus » et suggèrent que le DPE soit « rendu opposable au bailleur et au vendeur » et que « la responsabilité du diagnostiqueur puisse être engagée en cas d’erreur dans le diagnostic ».

Les mesures tardent à entrer en application

Mais avant d’envisager une nouvelle reforme, encore faut-il que le plan existant soit mis en application. Alors où en sommes-nous en cette fin novembre ? A ce jour, seuls deux des 6 axes du plan sont entrés en application, à savoir :

  • la réforme de la certification de compétence des techniciens ;
  • la nouvelle méthodologie de calcul du DPE, 3CL-DPE

La nouvelle méthode de calcul 3CL-DPE, parue au Journal Officiel le 10 novembre 2012, inclut de nouveaux points de contrôle afin de réduire les écarts de résultats d’un diagnostiqueur à un autre. Les fournisseurs de logiciels devront intégrer cette nouvelle méthode et faire valider leurs logiciels  par l’ADEME avant le 1er janvier 2013, faute de quoi les DPE réalisés selon l’ancienne méthode ne seront plus valides.

Quant à la transmission des DPE à la base de données de l’ADEME, son interface fait déjà l’objet de vives critiques auprès des diagnostiqueurs qui craignent de devoir passer plus de temps que prévu à l’envoi de leur DPE. Une base de donnée, qui selon Romain Remesy, chef de projet DPE au MEDDE / METL, Romain Remesy, devrait être effective au plus tôt le 1er janvier 2013.

Vers un nouveau report ?

Sachant que la mise en application des autres dispositions est fortement dépendante de la validation de l’ensemble des logiciels, une mise en application au 1er janvier 2013 semble donc très optimiste.

La FIDI a récemment présenté une demande de report au 1er juillet 2013. Benoît Dumont de Saint Priest, Délégué National de la FIDI, nous a confié qu’il était très inquiet de cette situation où seuls quelques logiciels pourrait être validée au 1er janvier. Un problème de « concurrence déloyale » se pose, si seuls les diagnostiqueurs utilisant des outils validés peuvent délivrer des diagnostics conformes. La FIDI rebondit sur l’idée d’opposabilité du DPE pour autant qu’il présente une fiche technique comportant l’intégralité des données insérées dans le logiciel et notamment les mesures non-vérifiables, apportées par le propriétaire du bien.

Le DPE fiabilisé jouera à l’avenir un rôle important, notamment dans le plan de rénovation énergétique de l’habitat discuté actuellement par les parlementaires. Il faudra être particulièrement attentif aux annonces qui seront faites dans ce sens dans les semaines à venir. Espérons donc que les médias sauront attendre la mise en place effective des mesures pour tirer des enseignements.

Mise à jour du 21 décembre 2012 : comme le confirme ce courrier reçu par les diagnostiqueurs et envoyé conjointement par la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages et la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, l’entrée en vigueur du plan d’action a été reportée au 1er avril 2013. La validation des logiciels ayant pris beaucoup de retard, les pouvoirs publics craignent que « leur fiabilité pourrait ne pas être à la hauteur des enjeux« . Une décision au final tardive mais logique.


Publié par Pierre-Hugo Monteil pour Preventimmo
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Pierre-Hugo Monteil


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