Mérule : la « lèpre des maisons » nécessite-t-elle un diagnostic ?

Mérules

Ce mal qui ronge les habitations a installé depuis quelques temps une routine : occuper l’actualité spécialisée avec des articles ou des reportages sur ces propriétaires dévastés car contraints d’abandonner, sans espoir de retour, leur logement. L’expression qui sert à la désigner, « lèpre des maisons », témoigne de l’origine ancienne de ce fléau, aussi vieux que notre civilisation puisque dans l’Ancien Testament, il est fait mention des dégâts que provoque ce champignon ainsi que des remèdes à employer. La mérule s’étend et se répand et des territoires entiers de notre pays en sont infestés. Si certaines régions comme le Sud-Est sont épargnées, d’autres comme la Bretagne se trouvent dans des situations préoccupantes. Ainsi par exemple, plus de 50 % des communes du Finistère sont concernées.

Un risque à ne pas mésestimer

Une remarque liminaire s’impose : tous les champignons ne sont pas des mérules mais ces dernières sont les plus dangereuses pour les maisons. C’est pour cela qu’elles font l’objet d’une attention particulière. Comme à peu près tous les autres champignons, les mérules prospèrent dans un environnement humide. On peut en déduire aisément que s’ils trouvent dans les forêts un terreau fertile à leur développement, leur présence dans une maison est la marque d’importants problèmes d’humidité. Comme le mentionne l’ANAH « dans une maison bien conçue et bien entretenue, les bois sont toujours à moins de 18% de teneur en eau. Ils ne peuvent donc pas être infestés par des mérules, ni par d’autres champignons ».

La mérule cause des dégâts importants et onéreux

Quand ces conditions ne sont pas remplies, les dégâts commencent. Le problème est que, si les dégâts deviennent visibles, cela indique que les méfaits invisibles ont prospéré. Le bois que l’on utilise couramment dans nos logements, sapin et pin, résiste mal à l’avancée du champignon. Une fois attaqué, il perd de sa résistance ; il s’effrite, se dégrade et se casse. Quand le plancher ou la charpente commencent à tomber en lambeaux, la maison devient inhabitable. La mérule s’attaque également aux joints, aux peintures mais finit également parfois par s’enrouler autour des fils électriques. Chargée d’humidité, elle peut alors causer des incendies.

Pas de diagnostic mais une obligation d’information

À l’heure actuelle et lors d’une transaction immobilière, quelques départements ont rendu obligatoire le « diagnostic mérule ». Le Finistère en fait partie, mais l’arrêté pris dans ce territoire illustre la réticence des pouvoirs publics à le rendre obligatoire partout.

Le diagnostic qui doit être réalisé est visuel (difficile de faire autrement sans engendrer des frais importants) or la mérule reste longtemps invisible. Cet arrêté reste dans la même prudence que deux réponses ministérielles sur le sujet : « Sa présence est liée à un excès d’humidité à l’intérieur des constructions, le plus souvent causé par un défaut d’entretien ou d’aération et des erreurs de conception du bâti […]. Se propageant dans l’obscurité sur les charpentes, le plancher et les menuiseries, elle est difficile à détecter sans sondage ou dépose. Ce sont les raisons pour lesquelles, en dépit des ravages produits par ce champignon et du développement du contentieux lié à la vente de biens infestés, il est difficilement envisageable, lors d’une vente, d’élargir les obligations contractuelles des diagnostiqueurs, notamment en leur demandant d’examiner des endroits visuellement non détectables ou dans des parties inaccessibles en vue d’établir un diagnostic « mérule »».[1]

La solution retenue est la diffusion maximale de l’information auprès du grand public. La loi « ALUR » du 24 mars 2014 a créé une obligation spécifique relative à la présence de mérule. Même en dehors d’une transaction immobilière, l’occupant d’un logement (locataire ou propriétaire) quand il a connaissance de la présence de mérule doit en faire la déclaration en mairie. Lorsque des « clusters » sont identifiés, un arrêté préfectoral délimite les zones de risques mérule. L’objectif de cet arrêté est d’alerter les propriétaires mais surtout les futurs acquéreurs que l’immeuble est situé dans une zone de contamination. Lors de la transaction immobilière, aucun diagnostic n’est obligatoire mais le dossier de diagnostic technique doit contenir l’information sur la présence d’un risque de mérule[2] (art. L. 271-4-9° du Code de la construction).

Des sanctions récemment renforcées

Malgré toutes ces obligations en matière d’information les manquements et erreurs, volontaires ou non, il n’existe pas de sanctions spécifiques, ce sont celles du droit commun qui s’appliquent. Cependant en début d’année une décision importante est venue renforcer la responsabilité de l’agent immobilier[1]. En tant que professionnel, celui-ci doit s’assurer d’informer et de conseiller comme il se doit son mandant ainsi que les potentiels acquéreurs. Dans le cas présent, l’agent immobilier avait fait réaliser un « diagnostic mérule » qui s’était révélé négatif mais n’avait pas informé les acquéreurs qu’une « attaque » avait touché la maison il y a quelques années. Pour ce manquement, les acquéreurs ont arrêté la procédure de vente et obtenu la condamnation de l’agent immobilier.


[1] http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-3278QE.htm

[2] Art. L. 271-4-9° du Code de la construction et de l’habitation. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074096&idArticle=LEGIARTI000006824645

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000041701808&fastReqId=277362482&fastPos=5


Publié par Vincent Bicini pour Preventimmo
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Vincent Bicini


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